la rétribution des musiciens du net se doit de représenter aussi les indépendants, comme pour les concerts live
Taxe sur les baladeurs numériques et l'avenir des musiciens
Les médias digitaux progressent rapidement dans tous les
domaines d'intérêt et remportent de plus en plus de succès face aux
médias dits traditionnels. On le remarque non seulement pour les
consommateurs de musique, mais aussi pour les artistes, les musiciens
eux-même. On connait tous les magasins de musique en-ligne du type
iTunes, mais ils ne sont de loin pas les seuls media musicaux en ligne.
Il existe bien sûr les réseaux peer-to-peer dont tout le monde parle,
mais aussi toutes sortes de systèmes de partage et distribution de la
musique, plus ou moins faciles, économiques et efficaces, mais surtout
légaux qui permettent le téléchargement de musiques pour son baladeur
numérique.
C'est
révolutionnaire car les musiciens non-contents de ne pas facilement
trouver de distributeur pour leurs oeuvres se tournent aujourd'hui vers
le media en-ligne, souvent autoproduit. Les sites web officiels
d'artistes, mais aussi les communautés virtuelles permettent à
quiconque de facilement diffuser musiques, gérer agendas de concerts,
communiqués de presse et contacts avec les fans tout en bâtissant un
réseau inter-professionnel sérieux et sont de plus en plus efficaces,
et surtout populaires (p.ex. pour n'en citer qu'un qui lie musique et
blog: myspace.com).
C'est un moyen de promotion très efficace pour ceux qui n'avaient accès
à rien avant, ceux pour lesquels les moyens traditionnels de
distribution ne daignaient jusqu'à aujourd'hui pas s'intéresser. Malgré
le désir populaire des mélomanes, aujourd'hui assouvi.
Avec un transit de données musicales en constante augmentation, les
stockages digitaux sont ainsi de plus en plus concernés. Tout ce qui
circule par le réseau se trouve donc exposé à un stockage plus ou moins
officiel et durable. Bien qu'à l'origine l'oeuvre musicale ait été
diffusée à des fins de diffusion unique ou pour un usage restreint dans
un contexte établi, elle est potentiellement stockée par les auditeurs
sur leur baladeur numérique.
En Suisse, l'organe censé représenté les musiciens et gérer les droits
d'auteurs, la Suisa, s'est penché sur cette nouvelle dimension d'écoute
musicale et sur la nécessité de rémunérer les musiciens pour leurs
musiques stockées sur supports digitaux. Loin d'avoir globalement
pris en compte le transit de la musique et ses écoutes répétées sur un
baladeur de type iPod, la Suisa a proposé de globalement taxer les
supports de stockage digitaux afin d'ensuite rémunérer les créatifs de
façon 'proportionnelle'. Mais proportionnelle à quoi?
Pourquoi ne pas taxer le support pour défendre le travail musical
accompli, l'oeuvre artistique, mais une license globale sous cette
forme ne va en fait qu'à nouveau ne profiter qu'aux artistes qui ont
accès à la diffusion sur les radios, télévisions et qui sont distribués
sur disque. Ce sont à eux que la Suisa propose explicitement de toucher
des parts de cette taxe 'rémunération' sur les supports digitaux. Tous
les musiciens qui distribuent avec succès leurs musique uniquement sur
le net, ces autoproductions de qualité 'maison' non distribuées par les
voies classiques ne toucheront, comme avant, rien. Même s'ils
distribuent plus que d'autres via des disques ou au travers de la radio.
Cette license profitera donc surtout encore à ceux qui profitent déjà
des réseaux des majors... Les réseaux de distribution traditionnels
sont en train de se refondre à cause du net, on pourrait faire
remarquer que la Suisa n'est pas là pour compenser les pertes de gains
de ceux-çi face à la liberté offerte au créatifs de s'auto-distribuer
en-ligne, sans l'aide des médias traditionnels. Il serait donc temps de
défendre tous les musiciens et de profiter des nouvelles technologies
pour libérer ceux-çi des intermédiaires non-nécessaires si on veut que
notre culture musicale nationale soit un reflet plus proche du monde
réel. Si les musiciens indépendants peuvent être distribués sur le net
uniquement, être populaires et peuvent en vivre comme de véritables
professionnels grâce à une taxe sur les supports digitaux, il serait
judicieux que la Suisa leur reverse aussi leurs droits.
La SUISA a publié sur son site une "lettre ouverte des artistes" qui
défendent la redevance pour la copie privée sur mémoires numériques (http://www.suisa.ch/store/admin/download.doc.m27152155-7204-2036.Lettre_ouverte_f.pdf
) signée par de nombreux musiciens, principalement signés eux-même
(p.ex. Alain Morisod, DJ Bobo, ...). Avant d'aller tout droit dans une
optique de rémunération des artistes liée
aux supports numériques, il serait peut-être intéressant d'abord de
refocaliser ceux que l'on défend, vraiment. De nombreux musiciens
pensent peut-être que 'nos droits en péril', comme scandé dans cette
lettre, ne concerne que les artistes qui profitaient des rémunération
de médias traditionnels et qui se voient enfin mis en concurrence avec
ceux qui ne profitaient pas du réseau de promotion traditionnel. Le but
n'est-il pas de défendre tous les musiciens, même ceux qui sont enfin
mis en avant par ces nouveaux médias tant redoutés par l'industrie du
disque?
ztr
p.s. Pour info je suis directement concerné par ce problème, je suis
musicien membre SUISA, autoproduit, avec des oeuvres sur le web depuis
1995. Mon site de promotion personnelle présente ce mois-çi et à ce
jour (avril 2006) une moyenne actuelle quotidienne de 520 visiteurs
uniques pour 238MB de download qui représentent 4743 fichiers par jour.
Au total 8370 morceaux de musiques gérés par la SUISA ont déjà été
téléchargés ce mois uniquement sur mon site personnel. Cela ne prend
pas en compte les sites de peer-to-peer sur lesquels je les retrouve
régulièrement, ainsi que les nombreux sites tiers d'autoproduction. Si
mon iPod est taxé, je considère juste que je sois aussi, comme tous les
autres créatifs de la musique qui comme moi font vivre la musique
Suisse, rémunéré en fonction. Non?
suite à cet article, Vincent Salvadé (chef du service juridique de SUISA) a su engager
constructivement le dialogue (en rouge), voici sa réponse ainsi que mes
remarques liées (en noir) (publiées avec son accord), je l'en remercie: 1) Vous avez raison
de relever qu'Internet peut aussi être une chance pour certains
artistes. Mais la question de savoir si Internet leur permettra
véritablement, à terme, de se passer des intermédiaires doit être
posée: si un artiste souhaite assurer une distribution commerciale de
ses oeuvres via Internet, il doit aussi se distinguer, se faire
connaître parmi des milliers d'autres offres Internet. On peut dès lors
penser qu'il deviendra dépendant d'autres sortes d'intermédiaires. Ce
ne sera plus l'industrie du disque, mais les moteurs de recherche, les
spécialistes du marketing Internet, etc. La vision de l'auteur qui fait
tout, tout seul, grâce à un ordinateur et à une connection au réseau a
ses limites... Il y a bien sûr des exceptions, mais les artistes qui
arrivent à vivre sans dépendre de quiconque sont des cas exceptionnels,
même à l'ère du numérique.
Avec l'avènement d'outils internet de distribution musicale ouverte du
type myspace.com (je prend celui-çi car il est l'un des plus
efficaces), les artistes peuvent clairement se distinguer, et cela par
leur musique plus que le reste. C'est cela la grande différence, le
mélomane peut se débarrasser du paquet encombrant que l'on essaie de
lui vendre avec, ces objets marketing qui font que le consommateur ne
peut pas simplement payer la musique qu'il veut entendre, et elle
seule. L'horizonzalisation de l'accès à la musique offerte par le media
internet, la mise à niveau en termes d'accessibilité des musiques d'une
'star' par rapport aux indépendants le permet déjà et la tendance
semble bien se consolider. Peut-être les musiciens ne pourront-ils pas
se passer d'experts intermédiaires, et heureusement, mais ils pourront
enfin être maîtres de leurs travaux, de la création à la diffusion en
sous-traitant les différentes dimensions du marketing, habillage,
mixage, ... et en ayant une vision globale claire de 'leur petite
entreprise'. Aujourd'hui les accès à la diffusion grand public sont
pratiquement propriétaires des maisons de disques majeures. Comme vous
le dites, les artistes qui arrivent à vivre sans dépendre de quiconque
sont des cas exceptionnels, et votre modèle de répartition prévue pour
les média numérique ne peut que renforcer cette injustice. Le support
numérique se profile déjà comme le seul support d'écoute de la musique
pour les années à venir (stockage, écoute radio satellitaire, numérique
hertzienne, podcasts, ...), il faut prendre ce fait en compte.
2) La redevance sur les supports
de mémoire numériques n'est pas une licence globale, telle que celle
qui a été discutée en France (et finalement rejetée). Il s'agit
simplement de la transposition à l'ère numérique de la fameuse
"redevance sur les cassettes vierges", connue en Suisse depuis 12
ans. Elle ne doit pas être présentée comme "la" solution proposée
par SUISA pour garantir le revenu des auteurs dans la société de
l'information. Mais, même si le monde évolue, si Internet permet de
nouveaux modèles, nous pensons que les auteurs ont droit à ce que
SUISA fasse valoir pour eux les possibilités du droit actuel.
Nous estimons que la base légale ayant permis l'introduction de
la redevance sur les cassettes vierges permet aussi d'établir une
redevance sur les mémoires des baladeurs MP3 (le Tribunal fédéral
sera amené à examiner cette question). Cela ne nous empêche pas d'être
actifs sur d'autres plans. Nous suivons attentivement tout ce qui
concerne, de près ou de loin, la musique sur Internet, y compris
des initiatives novatrices comme les licences creative commons (que
nous avons analysées pour nos membres, en mettant aussi en avant
les risques qu'elles représentent pour eux). Pour notre part,
nous avons dû constater que certaines conditions-cadre manquaient
encore pour permettre aux auteurs d'assurer une commercialisation
adéquate de leurs oeuvres via Internet. En particulier, ils
auraient besoin des fameux DRMS (Digital Rights Management
Systems) pour réaliser des transactions sécurisées. Mais ceux-ci sont
des systèmes chers, que l'industrie se réserve en utilisant des
formats propriétaires. Ils ne sont donc pas aujourd'hui à la
portée des artistes individuellement. De plus, il faut veiller à ce que
les DRMS ne posent pas de problèmes de protection des données et
à ce qu'ils respectent le droit de la personnalité des
consommateurs. Encore une fois, il faut être réaliste et voir que
la révolution numérique pour les auteurs, si elle est attendue et
espérée par certains, n'en est qu'à ses balbutiements.
Je comprends bien la notion de cette
'redevance sur les cassettes vierges'. Je pense que non seulement
les auteurs ont le droit de profiter des possibilités du droit
actuel, mais tous les auteurs y compris ceux qui ne profitaient
pas des 'cassettes vierges'. Je ne m'érige pas contre une
redevance même si je pense, sans entrer dans ce débat, que
d'autres moyens seraient plus adéquats. J'exprime le fait que
dans sa transposition sur les média numériques, la répartition de
celle-çi se doit d'être elle aussi adaptée au monde numérique. Un
baladeur numérique se branche sur un ordinateur, la plupart du
temps et probablement bientôt tout le temps branché sur internet.
Je pense que les auteurs ont droit à ce que SUISA fasse valoir le
droit actuel à tous ceux qui n'avaient pas été pris en compte à
l'époque de la 'compact cassette'. Les moyens de production
musicale ont définitivement changé, les moyens pour enregistrer,
mixer, finaliser et distribuer la musique des auteurs ont changé,
il faut le prendre compte et ne pas se cantonner à répercuter
une solution pensée avant la naissance du web et forcément
dépassée. Les DRMS ne sont pas forcément nécessaires pour
réaliser des transactions sécurisées car il existe d'autres
modèles, économiquement viables et qui fonctionnent en
satisfaisant les musiciens (et associés) qui ne se basent pas sur
ce type de gestion des droits pûrement technologique. Ils sont
aujourd'hui accessibles à tous et ne sont juste pas pris en
compte par les organismes de gestion de droits comme la SUISA.
Soyons effectivement réalistes, la révolution numérique pour les
auteurs le sera quand on prendra en compte des solutions
technologiques non imposées par les acteurs traditionnels de la
distribution musicale. Les balbutiements l'étaient dans ce
domaine à la fin des années nonante, aujourd'hui la technologie
est mûre, il suffit de choisir un des modèles adéquats.
3) Nous ne savons pas sur quoi
vous vous basez pour affirmer que la redevance sur les mémoires
numériques ne profiterait qu'aux artistes sous contrat avec une
"major". L'idée selon laquelle cette redevance servirait à
compenser les pertes de l'industrie du disque est erronée. Il s'agit
simplement de rémunérer les auteurs pour la copie privée de leurs
oeuvres qui, aujourd'hui, est aussi réalisée sur baladeurs
numériques. D'après les règles figurant à l'art. 49 de la loi sur
le droit d'auteur (LDA), la redevance devra être répartie aux auteurs
en fonction du rendement de chaque oeuvre. En d'autres termes, la
fréquence avec laquelle une oeuvre est stockée sur baladeur
numérique sera prise en compte. Mais, comme il est impossible
d'avoir des données exhaustives à ce sujet, cette fréquence sera
évaluée. Les critères statistiques utilisés devront être
contrôlables et adéquats et seront soumis à l'approbation de l'Institut
fédéral de la propriété intellectuelle (art. 48 et 49 LDA). Il en
découle que les oeuvres d'auteurs "auto-distribués" sur Internet seront
également prises en compte, s'il s'avère qu'elles sont
reproduites sur baladeurs numériques de manière statistiquement
relevante.
Je me réfère en outre à la précision par e-mail d'un de vos
collègues à propos des règles figurant dans votre règlement de
répartition, selon lesquelles seules les oeuvres diffusées en radio ou
TV, ou produites sur disques, sont prises en compte dans la
répartition des droits perçus pour la copie privée. Par exemple,
un consommateur qui achète un iPod pour écouter des musiques
qu'il a gratuitement (à des fins promotionnelles) téléchargées
sur son iPod payera uniquement les auteurs qu'il n'écoute plus ou
pas, car ceux-là même qu'il écoutera auront simplement été
écartés par votre système de répartition. On ne parle même pas
des morceaux piratés de musiciens indépendants qui vont se
retrouver sur ces medias numériques. Parler de prise en compte
des auto-distribués que s'ils sont statistiquement relevants me
fait relativement peur car je ne connais aucun indépendant qui se
voit demander ses audiences de serveur web pour évaluation des
téléchargements effectifs. De plus il semble techniquement aisé
d'avoir des données exhaustives sur la fréquence de stockage des
oeuvres numériques sur un baladeur, Apple le fait déjà depuis
quelques mois via le logiciel iTunes à des fins d'analyse de
marché, c'est à SUISA d'exiger un accès direct à ces données par
exemple. Il est clair que si vous calquez à chaque fois les même
concepts de répartition, ceux qui sont censé y gagner quelque
chose seront toujours les même. L'internet et les media digitaux
ont créé d'autres moyens de productions, ont permis à d'autres
auteurs de produire et de distribuer, ont permis à d'autres
auditeurs et mélomanes de trouver leur bonheur, ailleurs, hors
des sentiers battus, il serait bon de prendre en compte toutes
ses données et ne pas simplement traduire les terme 'cassette
vierge' en 'support de mémoire numérique'.