| Un petit vélo dans la tête
Au sujet de la gratuité des transports publics.
J’adore faire du vélo en ville, quelle liberté ! Ce mois-ci je ne suis
pas tombé, je ne me suis rien cassé, j’ai à peine engueulé un 4x4
crétin qui se prenait encore pour le roi de la route. Le bonheur.
Me sentant concerné par l’évolution de la pollution de nos belles
cités, je m’intéresse de près aux questions concernant la circulation.
Je viens de lire que les partis Communiste et Solidarités genevois ont
déposé une initiative
(www.lescommunistes.org/article.php3?id_article=403) en vue de rendre
gratuits les transports publics genevois (TPG) à l’instar d’autres
villes de taille comparable (Châteauroux en France, Hasselt en
Belgique, ou Seattle aux Etats-Unis).
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Les écologistes genevois, à une quasi-unanimité, sont contre cette idée.
Plom, plom, plom, cchccrichh (bruits des doigts sur la table et du froncement de sourcils).
Bon, voyons, voyons. L’argumentaire des initiants semble limpide.
Communiste ou pas, on peut se retrouver facilement dans cette
proposition qui énonce les multiples avantages d’une telle
solution : réduction du trafic automobile et des nuisances,
gratuité au même titre que l’éducation et la santé, amélioration de la
mobilité pour tous. Constatation supplémentaire démontrant à l’évidence
que l’activité des transports publics ne peut pas être à but
lucratif : « le produit des billets et des abonnements ne
représente qu’à peine un quart du budget annuel des TPG ». Même le
crétin en 4x4 cité plus haut peut applaudir en lâchant son volant, ah
non, il peut pas, il tient déjà son téléphone portable.
Bon, bon, bon. Voyons voir les arguments de nos Verts. Je m’informe
donc en lisant un article du « Courrier » daté du 5 mars
2005, écrit à ce sujet (
www.lecourrier.ch/modules.php?op=modload&name=NewsPaper&file=article&sid=39230).
J’apprends notamment que Mme Schneider-Bidaux, présidente des Vers
genevois, a déclaré : «Nous ne sommes pas figés. Mais les
transports publics ont un coût qui rend irréaliste leur gratuité. C'est
le mauvais moment.». Et la position de divers membres du Parti :
« L'argument financier vient à la bouche de tous les élus verts
que nous avons sondés sur la question. «Lancer une telle initiative
sans proposer de clé de financement relève de l'irresponsabilité»,
lance le conseiller municipal Roberto Broggini. «On veut tous plus de
crème dans les mille-feuilles, poursuit le député Christian Bavarel.
Mais soyons responsables. L'écologie doit faire le lien entre économie,
social et environnement.» «Une gratuité des TPG ne me paraît pas
envisageable sans une augmentation de la fiscalité et une nouvelle
répartition des charges entre canton et communes», observe quant à lui
le conseiller municipal Pierre Losio. ».
Quel pragmatisme, quel sens des responsabilités, quelle haute
considération de l’utilisation de l’argent du contribuable. En évitant
de « caviarder » cet article du « Courrier » qui
expose d’autres arguments pertinents du Parti écologiste concernant
l’inefficacité d’une telle mesure, je ne peux résister à ce dernier
extrait : « L'opposition des écologistes pourrait aussi
s'expliquer par un certain énervement de voir d'autres formations venir
marcher sur leurs vertes plates-bandes ».
Ma sensibilité étant résolument tournée vers
l’ « écologisme » (je ne suis pas
« écologiste », je n’en ai pas les compétences, vieux
débat…), je suis estomaqué par le faible niveau du débat ;
« c’est pas moi qui ait eu l’idée, alors elle est mauvaise »,
« nous sommes un parti responsable, soucieux du portefeuille de
nos électeurs, pas un ramassis d’idéalistes utopistes »,
« soyons pragmatiques, faisons payer les automobilistes pour
financer les transports publics ».
L’argent, nerf de la guerre, mais visiblement pas de l’utopie. Gardons
donc des transports publics payant et très chers pour la communauté et
pour les utilisateurs. Les plus démunis seront aidés, les pékins moyens
et les touristes passeront à la caisse, avec des distributeurs de
billets qui ne rendent pas la monnaie, belle arnaque. L’utilisateur des
équipements publics doit payer le service, c’est normal.
Avec ce type de raisonnement, il faudrait faire payer les piétons, en
plus de leurs impôts, pour leur utilisation de l’espace public. Il faut
bien les construire et les entretenir, ces trottoirs ! Et la
peinture jaune des passages protégés, c’est aux piétons de la
payer ! Un tampon encreur indélébile entre les deux yeux, dûment
administré par les services compétents ! Et hop ! soyons
créatif, imposons un piercing électronique qui indique les droits
de chacun d’utiliser l’espace public ! Une boucle d’oreille, un
anneau dans le nez ou ailleurs. Les vélos ont déjà une vignette pour
l’assurance civile, mais il faut en plus qu’ils payent une vignette
pour payer la circulation sur les pistes cyclables, comme les
automobiles sur l’autoroute. Pas de vignette, pas de piste ! Et
les parents en poussette, qui râlent quand les trottoirs sont encombrés
ou trop étroits, qu’ils payent !
Pour aller plus loin dans ce raisonnement, on peut légitimement se
poser la question de savoir pourquoi les transports
« publics » sont payants, puisque leur vocation est de donner
plus de mobilité et de confort à l’ensemble d’une communauté. Plus
généralement, il s’agit d’évaluer ce qui est encore un « service
public », en quoi l’exploitation de biens ou de services
collectifs doit faire l’objet d’un profit (voir à ce sujet le débat
récent et la votation sur la privatisation partielle des Transports
Publics Genevois). Par exemple, sachant que la gestion de l’eau sera
l’enjeu environnemental et humain de notre planète durant ce siècle,
pourquoi accepte-t’on que les ressources en eau soient de plus en plus
privatisées ?
Le prochain petit malin qui trouvera le moyen de privatiser l’air que
l’on respire afin de taxer notre oxygène se fera une fortune. Encore
une raison de militer pour les partis écologistes ! Ah non, je me
contredis là, ils seraient peut-être capables d’être d’accord :
l’utilisateur doit payer…
ojm