| Le profit locatif, oui, mais pas sans limites.
Si vous n'êtes pas au courant, les habitants "communs" des villes
commencent enfin à se mobiliser pour récupérer leurs centres. Il est
ainsi intéressant de regarder de plus près une démarche, celle de
l'association dont le nom est l'acronyme de "Rendons aux Habitants les
Immeubles Non Occupés": RHINO. Les deux immeubles du centre de la ville
de Genève dont l'un arbore fièrement une corne rouge abritent en effet
un probable embryon de la résistance des Romands citadins face aux
loyers chers. |
Vendredi
passé fut publié dans la
Feuille d'Avis Officielle du Canton de Genève
( http://www.geneve.ch/fao ) le texte d'une initiative cantonale de
RHINO (
http://www.rhino.la ) afin de déclarer "l'utilité publique
de l'octroi par la Ville de Genève d'un droit de superficie en faveur
des coopératives Rhino et Ciguë". En résumé, l'association tente
d'expulser le propriétaire des immeubles et de la parcelle afin de
permettre la continuation d'un projet qui permet déjà un logement bon
marché de qualité à plus de 70 personnes, dans un quartier qui fleure
tout de même globalement la réussite financière.
De prime abord c'est choquant. En effet virer le propriétaire, non mais
vous n'y pensez pas? C'est déjà tellement difficile de le devenir! Mais
en analysant mieux le contexte on tend et on se doit de relativiser la
situation. Le propriétaire est connu pour posséder d'autres immeubles,
et est à priori largement à l'abri du besoin, et de la belle étoile.
Aussi, cette initiative tente de redonner le pouvoir au peuple en
matière d'immobilier. Est-ce qu'il faut permettre à 70 habitants
actuels de deux immeubles, habitants aux revenus et fortune bas,
engagés dans la vie de quartier, qui ont sauvé les immeubles de la
spéculation, les ont maintenu et réparé pendant plus de 15 ans, de
rester et maintenir un peu de vitalité humaine au-delà des vidéo-clubs
et tea-rooms dans ce quartier bourgeois? Ou faut-il systématiquement
appliquer les lois de la propriété et privilégier le marché pour
permettre la fructification des richesses d'une minorité?
En gros, si vous prenez la chose dans l'autre sens, c'est donc empêcher
un propriétaire fortuné de mettre sur le marché 19 logements en loyer
libre de plus, pour le plus grand bonheur de son portefeuille et de
futurs locataires à revenus plus aisés. C'est affirmer que la ville se
devrait d'être en priorité habitée par quiconque y participe activement
et pas seulement financièrement. Pour le bien de la communauté, on a
exproprié des propriétaires pour construire les pistes de l'aéroport,
pourquoi pas pour maintenir une forme d'habitation sociale viable?
Parce que ça rapporte moins?
Dans un contexte immobilier genevois catastrophique où il n'y a pour
ainsi dire plus aucun logement libre sur le marché, un problème qui
s'étend tranquillement à tout le pays romand, il semble en effet
impérieux de limiter la liberté du marché, pour le bien et la survie de
la communauté. Limiter, pas empêcher, avant que tout ne s'emballe. Et
RHINO devient ainsi, au delà de son projet, un symbole.
Défendu par les talentueux avocats de l'
étude Fontanet Jeandin &
Hornung ( http://www.fontanet.ch ), le propriétaire a une longueur
d'avance. Mais à nouveau, cela représente le pouvoir de l'argent à
protéger ceux qui en ont, qui permet sous couvert d'un droit relatif,
de continuer à s'engendrer et cultiver la richesse, de permettre à
l'intérêt individuel de prendre sans proportion le dessus sur celui de
la communauté. Défendu par une étude "dynamique, ouverte sur le monde"
qui "s’est constamment impliquée et engagée sur la scène politique
suisse pour défendre les valeurs de la démocratie et du droit." (texte
tiré du site web de celle-çi) le propriétaire fortuné est bien paré. Et
on relèvera le terme "valeurs".
Grâce à RHINO et son initiative, et au-delà de son projet spécifique,
le peuple à donc devant lui pour tâche indirecte de définir cette
notion de "valeurs", celles du pouvoir financier, ou celles qui tendent
à maintenir une vie de quartier populaire, mixte, à taille humaine,
dont le dénominateur commun n'est pas le pouvoir d'achat, mais la
qualité de vie. Et pas seulement dans des habitations nouvelles à
construire en périphérie de nos centres.
Citoyens, il est temps de reprendre en mains notre quotidien en
démocratie. C'est à nous de partager ou non les désirs de cette
initiative. C'est une occasion unique de montrer au pouvoirs politique
et économique que nous ne sommes pas que des consommateurs, des
imposables, des électeurs passifs et impersonnels. Nous sommes
concernés par nos villes, par notre région, par notre citoyenneté, et
il faut le montrer. Si nous aimons nos villes, faut-il absolument les
laisser au marché? Si RHINO continue, il y aura probablement d'autres
privilégiés, mais, le problème n'est pas là, le symbole citoyen face au
tenants du marché reste fort.
Et n'oubliez pas, qu'au-delà, lors des prochaines élections vous pourriez aussi, voter?
ztr