photo d'une page du journal Le Temps paru la semaine passée
| Net éthique romand, le violer c'est voler.
A noter, si vous ne l'aviez déjà fait, la démarche intéressante d'une
certaine presse romande. C'est celle de l'association "Presse Romande"
( www.presseromande.ch ), justement, qui se penche sur la qualité de la
publication sur internet. Cette "organisation des éditeurs de la presse
écrite quotidienne ou périodique de Suisse romande" comprend 66 membres
qui s'engagent à respecter pour leur sites web une "charte de qualité
de la presse romande". Ce "Label de
qualité pour sites Internet d’éditeurs de journaux" bénéficie aux
éditeurs qui prennent 7 engagements dans le maintien de leurs sites web
qui peuvent se targuer d'un "CONTENU CERTIFIE PRESSE ROMANDE". |
La
démarche est positive à priori. A grand renfort d'espace dans les pages
imprimées de leurs publications respectives, les membres de cette
association mettent en avant le slogan: "Net Ethique". Mais en bref sur
les 7 points de cette charte, seul un s'intéresse spécifiquement à
l'éthique du contenu de ces pages web, le premier:
"L’information publiée sur un site Internet d’éditeur respecte les
règles déontologiques reconnues de la branche. En particulier,
l’éditeur identifie son site et s’inspire à cet effet des mêmes règles
que celles applicables à l’impressum des titres de la presse écrite."
Il ne fait cependant rien pour les spécifier, il ne fait que les
reprendre de manière vague. Quelle précision apportent donc "les règles
déontologiques reconnues de la branche". la branche sur laquelle on est
assis et qu'il ne faut point scier?
De plus en ressort une certaine confusion sur la nature des médias.
Remarquons que "le site se doit d'être inspiré des mêmes règle que
celles de la presse écrite". Hmm, faut-il donc penser que la presse
écrite se résume exclusivement à la presse imprimée? Vu les membres de
l'association il y a fort à penser que oui. Et que faire des nouveaux
titres exclusivement en-ligne dont la famille presse romande implicite
s'enrichit de jour en jour? Ils ne pourront à priori pas se targuer de
ce label. Et pourtant leur lectorat s'étoffe de jour en jour.
Et si on y regarde de plus près, qu'on vérifie les autres points de
cette charte, on a l'impression que les motivations qui se cachent
derrière ont plus de l'esbroufe qu'autre chose. Disons que l'impression
que ce n'est que démarche visant à protéger les acteurs actuels d'une
presse romande papier n'est pas nulle. Leur présence en ligne est
partagée par les nouveaux médias, et donc la peur de voir leur
hégémonie ancienne s'effondrer, leur omnipotence actuelle relative
s'effriter est justifiée.
Si l'association Presse Romande veut que son lectorat la prenne plus au
sérieux il faudrait peut-être qu'elle s'intéresse à quelques détails
imparfaits de sa charte. Point par point de la charte:
1 - Intégration et définition précise des règles déontologiques
reconnues par la branche (ce n'est pas en lisant Le Matin
quotidiennement que l'on va spontanément s'en faire une idée claire).
photo du site web www.illustré.ch ce jour
photo du site web www.lematin.ch ce jour
| 2 - Application réelle sur les sites de ce point, définition explicite
de ce qu'est un contenu publicitaire (p.ex. encarts publicitaires en
collaboration avec le média éditeur (cf photo "Le Matin -
www.Tillate.ch" et "l'Illustré - BCV"; la demi-mesure dans ce cas
prendrait-elle le lectorat pour naïf? qu'en pensent les autres
annonceurs?).
|
3 - Quel préposé à la protection des données? Un officiel? Un
indépendant? Un copain de classe? Un stagiaire improvisé comme tel? Un
groupe? Précisions svp.
4 - Sécuriser... à nouveau le flou règne. A quel niveau et dans quels
buts? Ne pas permettre la récupération de tous les contenus de
transaction? Des données personnelles uniquement? Et de quel type de
transaction parle-t-on? (tous les contenus web devraient autrement être
déjà sécurisés, ce qui n'est nullement le cas, en raison de la nature
technologique même du web standard)
5 - Sécuriser encore une fois. Dans cet état, ce point est totalement
inapplicable. Ne serait-ce que par le fait que l'information des sites
web passe par des caches et systèmes informatiques de fournisseurs
d'accès internet, qui restent jusqu'à preuve du contraire un
intermédiaire entre l'éditeur et l'utilisateur.
6 - Une définition claire d'un emplacement unifié pour ces définitions serait souhaitable.
7 - Qui est donc cette commission "on line" de Presse Romande?
En-ligne? Composition svp? Définition des procédures claire? Quelle
indépendance? Surveillance par un organisme tiers? Visiblement on se
sent obligé de laver le linge sale en famille chez Presse Romande, s'il
y a un problème...
On ne va pas non plus être que critique de ce genre de démarches. Il
est en effet nécessaire que la publication de données en ligne de ce
type d'information soit mieux attestable tant en termes de qualité que
d'éthique rédactionnelle. Il est cependant regrettable de voir à quel
point cette association qui regroupe un certain nombre des plus grands
titres de notre région communique sur une charte aussi légèrement
définie. Serait-ce qu'à nouveau la presse traditionnelle prend son
lectorat pour un troupeau de naïfs? Difficile à croire.
En Suisse on a, pardon avait, plutôt tendance à faire confiance à son
prochain, c'est plutôt une vertu. Il serait intéressant que cette
association communique plus que par bribes à son lectorat. Le temps des
slogans sous forme de manchette de journal est fini, qu'on se le dise!
Si nous voulons que le lectorat Suisse Romand reprenne confiance dans
ses journaux et publications périodique, traditionnelles et en ligne,
il faudra faire mieux que crier des "Le droit d'auteur. Le violer,
c'est voler". Sinon un jour ce slogan même se retournera contre eux.
L'information se doit d'avoir une éthique qui prenne en compte la
réelle qualité de l'information et ses implications tant en termes
d'investigation que de diffusion. On ne peut plus aujourd'hui se
contenter d'avoir une presse romande pasteurisée. C'est peut-être
pratique pour certains, mais nous médias Romands alternatifs croyons
dans notre lectorat comme en des partenaires. Nous voulons une presse
du jour fraîche à consommer, qui stimule nos papilles, qui enrichit
notre curiosité, catalyse notre réflexion, tout en nous divertissant.
C'est peut-être moins rentable, mais c'est peut-être ça la vraie
éthique dont pourrait se doter une presse Romande.
Attention! Net éthique. Le violer, c'est voler! ;-)
ztr