| Traversée de la Rade: pojet de Ville, Ville en projets
La position de M. P. Muller, maire de Genève, exprimée dans la « Tribune de Genève » du 18 octobre 2004, a le grand mérite de relancer le débat concernant le célèbre « serpent de mer » genevois : la traversée de la Rade.
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Son enthousiasme prouve que le sujet est loin d’être enterré (
un tunnel ?) ou suspendu (
un pont ?).
Il ne faut pas désespérer : il a bien fallu quelques siècles pour
réaliser le tunnel sous la Manche. Plus sérieusement, M. Muller défend
l’opportunité de la réalisation d’une traversée de la Rade grâce à une série d’arguments étayés par les considérations suivantes :
développement de l’offre de transports publics
(réalisation de la ligne CEVA), fluidité de l’écoulement du trafic
privé, choix du mode de transport, mobilité, pôles économiques en
périphérie, accessibilité au centre-ville, etc.
En complément d’information, ce journal fait état dans
un article du 19 octobre d’une nouvelle image de moyenne traversée proposée à la population en décembre.
Un groupe de travail formé des principales coordinations d’associations
liées à la question des transports a fixé des objectifs concernant la
circulation au centre-ville, la pollution, la qualité de vie et
l’économie.
C’est donc ce projet que M. Muller nous propose comme un «
projet d’envergure à même de redynamiser Genève ».
Les intentions sont louables, mais ont peut se poser la question de la
nature de ce « dynamisme » et de ce « projet ».
L’image du « dynamisme » de Genève, si chère aux milieux économiques,
ne se forme pas autour d’un brouillard de chiffres et de graphiques
abscons concernant la présence des entreprises internationales ou le
nombre de 4x4 vendus par années. Chômage, crise du logement, diminution
du budget affecté à l’éducation, subventions supprimées pour la culture
indépendante, et j’en passe : où est le dynamisme ?
Arrêtons
de feindre de nous réjouir quand l’entreprise Procter & Gamble
vient importer 300 salariés à Genève en écrémant les derniers
appartements disponibles à n’importe quel prix, au grand dam des habitants du Canton qui s’épuisent à chercher un logement décent.
Les différents débats concernant la question du logement dans
l’agglomération et, plus largement, la question de l’évolution du
territoire genevois, font apparaître un véritable consensus, au delà
des clivages politiques :
la ville se sclérose et se replie sur elle-même.
L’histoire des villes nous enseigne que les périodes de
non-développement, voire de démolition, sont souvent associées à des
crises politiques et économiques graves.
Pour que Genève continue à croître,
il n’est pas nécessaire d’imposer une politique de projets
pharaoniques, mais d’envisager un développement durable et raisonnable.
Il ne faut pas non plus limiter la notion de développement d’une ville
aux seuls critères d’infrastructures de transport ou au nombre de m2
construits :
la situation sociale, culturelle et environnementale reste essentielle.
Il faut également ajouter que, dans le cas de Genève, la notion de
« Ville » doit se resituer dans le cadre régional élargi du
bassin lémanique transfrontalier.
Ces quelques réflexions (qui peuvent sembler des lieux communs) permettent de
reconsidérer la question de la traversée de la Rade.
Les Genevois ont voté depuis longtemps pour le principe d’une
traversée, mais ils se sont exprimés massivement en 1996 contre les
options de tunnel ou de pont. Il faut bien voir que
l’objet
du premier vote était une « idée » et un « projet »
et que le second imposait le choix d’un « objet »
précis. De l’idée au projet, du projet à l’objet, il y a tout un
processus à respecter. L’ « objet » permettant la
traversée, tunnel ou pont, devrait exister dans le cadre d’un projet à
l’échelle de l’agglomération genevoise,
un véritable projet de Ville :
si, dans ce cadre, il y a besoin d’un tunnel, alors faisons-le. Tout
projet d’infrastructure routière à des conséquences sur le
développement de l’agglomération : si la population devait
s’exprimer sur un projet, il faudrait que celui-ci fasse partie d’un
ensemble cohérent de choix urbains plutôt qu’entre des options de
boulons, de haubans ou de trémies.
Il s’agit donc de
penser la question à une autre échelle,
en ne se limitant pas à une simple problématique de réseaux routiers.
Une plateforme fédératrice pourrait regrouper tous les acteurs
(sociaux, économiques, politiques, associatifs, culturels, etc.) pour
imaginer cette « Ville en projets » autour d’une idée
directrice. Malgré les contraintes et les rigidités de la situation
actuelle, cette initiative permettrait de
créer une synergie autour de projets ambitieux, innovants, alternatifs, répondant aux besoins et désirs de la population.
Une ville qui ne se « projette » plus est une ville qui meurt.
ojm